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CRITIQUE : Tartuffe, Theatre Royal Haymarket ✭✭✭✭
Publié le
31 mai 2018
Par
julianeaves
Julian Eaves critique Tartuffe de Molière, actuellement à l'affiche du Theatre Royal Haymarket.
La distribution de Tartuffe. Photo : Helen Maybanks Tartuffe
Theatre Royal Haymarket
29 mai 2018
4 étoiles
Réservez Maintenant Parlons Molière ! (Comme l'aurait peut-être dit Punch...) Eh bien, c'est une charmante et merveilleuse curiosité, débarquant au Haymarket, une sorte de tirade bohémienne contre l'isolationnisme brexiteur et le philistinisme réactionnaire : une sorte de mélange du favori - et dernier - opus de Jean-Baptiste Poquelin, avec des éclats de la traduction revigorante de Christopher Hampton secoués dans le mélange franglish, mis en scène avec un enthousiasme sans chichi par Gerald Garruti. À un moment, les gens parlent en véritables alexandrins, et l'instant d'après... en vers traduits à la Hampton. Des écrans de surtitres parsèment l'auditorium, pour ceux qui peuvent suivre le rythme effréné des répliques - et j'aimerais bien savoir qui peut. Entre-temps, il y a beaucoup de plaisir simple à simplement admirer le spectacle bilingue et à s'en laisser imprégner. Avec - un peu de - français, on peut saisir une bonne partie de ce qui est discuté, et un coup d'œil occasionnel aux surtitres peut suffire pour vous maintenir au courant des développements de l'intrigue, si tant est qu'il y en a une. Les acteurs passent d'une langue à l'autre avec une aisance presque indistinguotiable : certains s'accrochent à des accents de langue maternelle, mais la plupart sont quasiment fluents dans les deux, créant un effet merveilleusement déconcertant : comment être sûr de ce que l'on entend - les gens sont-ils vraiment ce qu'ils prétendent être ? Et c'est bien là, chers amis, toute la question de ce drame, n'est-ce pas ?
La distribution de Tartuffe. Photo : Helen Maybanks
La structure de la pièce est incroyablement simple, et très, très claire. Le nouveau riche haut-bourgeois Orgon (Sebastian Roche, dans une forme de prétention grossière en tant que prétendu initié à un niveau de culture qu'il ne mérite vraiment pas) croit que ce qui manque à son domicile élégant et minimaliste, très Philippe Starck (grâce à Andrew D Edwards, designer), est la présence édifiante d'un homme mystique de l'esprit, un gourou, un... Tartuffe, qui fait son apparition et comble ce vide avec son numéro de Boudu sauvé des eaux, dans la personne contrastante de Paul Anderson, l'escroc américain barbu devenu voleur commun. Le ménage d'Orgon est charmant, bien éduqué, bien habillé et plein de leur propre autosatisfaction, et dès le début, nous avons plutôt envie de voir Tartuffe réussir à les prendre en main - et il le fait - et nous voulons presque qu'il triomphe, même au prix terrible qu'il impose ensuite.
Paul Anderson et George Blagden dans Tartuffe. Photo : Helen Maybanks
La manière artistique dont Molière écrit - et qu'Hampton comprend et recrée si parfaitement pour nous en anglais - est que ses transgressions morales sont toujours exprimées de manière à ce que leur danger surgisse de notre interprétation d'elles : il s'exprime principalement d'une manière fade et quasi-obéissante qui fait tout pour détacher sa volonté de toute culpabilité ouverte et délibérée dans la direction que prennent ses actions, rendant le récipiendaire de ses attentions malveillantes le moteur apparent qui les génère. Même si les transitions entre les langues ne sont pas toujours aussi fluides ou logiques qu'elles pourraient l'être, c'est ingénieux et profondément troublant. La scène finale de séduction de la femme vaine et intrigante d'Orgon, Elmire (Audrey Fleurot, toute en couture soignée et coiffure parfaite), est le zénith de cette approche, ainsi que le nadir moral de la pièce : et ce n'est pas étonnant que l'œuvre ait été interdite par les autorités françaises. Ici, Molière piétine presque les normes sociales établies, tout en signalant simultanément que ce sont les autres - et non lui - qui cherchent à les attaquer. Le coup de grâce absolu est ensuite délivré par l'arrivée de ce qui semble être une sorte d'anti-deus (un diabolus ?) ex machina : Loyal, interprété avec une frayeur à la Sam Shepherd par John Faulkner. Cette scène nous choque encore dans nos sièges confortables, terrifiés par la facilité avec laquelle nous avons été complices pour encourager la victoire d'un tel charlatan, quelqu'un dont le but principal est de renverser tout ce qui est sacré pour nous, spectateurs de théâtre respectables : l'argent, la propriété, la hiérarchie, la famille, etc.
Olivia Ross, Claude Perron et Jaz Deol dans Tartuffe. Photo : Helen Maybanks
C'est un petit miracle que Molière ne s'arrête pas là, et un miracle plutôt artificiel, aussi. La finale n'est alors pas tant une conclusion qu'un report de quelque catastrophe inévitable, repoussée à un autre jour (ou siècle - peut-être le nôtre ?). Hampton nous réserve quelques-unes de ses blagues les plus drôles - et les plus actuelles, dans un texte sur lequel il a travaillé il y a de nombreuses années - pour les derniers moments du drame. C'est un grand plaisir et très apprécié par les personnes de qualité qui se sont présentées pour la première de presse. Comment cela jouera avec le grand public, nul ne le sait. Nous devrons voir. En attendant, si vous voulez profiter d'un événement incroyablement amusant et audacieux, vous ne trouverez pas de meilleur spectacle avant un bon moment, je ne devrais pas m'en étonner. J'ai vraiment fini par aimer être en compagnie d'acteurs aussi charmants qu'Annick Le Goff dans le rôle de Madame Pernelle, George Blagden dans celui de Damis, Olivia Ross en Mariane, Jaz Deol en Valere, Vincent Winterhalter en Cleante, Claude Perron en Dorine, Sophie Duez en Mendiante, Zachary Fall en Officier, Nadia Cavelle en Flipote et Paikan Garutti en Laurent. Dans ce monde, si gracieux, éclairé aussi par Paul Anderson, et avec une ambiance sonore luxuriante signée David Gregory (compositeur, Laurent Petitgrand), quels charmants voisins ils feraient. Tellement divertissant. Mais je n'aimerais pas être eux.
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